Ensorceler son partenaire par des substances vaginales secrètes: regard croisé entre l’anthropologue et le médecin témoin

Speaker: Francesca Mininel & Bakary Cissé du SESSTIM (Aix-Marseille Université – Inserm – IRD)

Date: 19/12/2025

12.30-13.30 (Brussels Time)

Francesca Mininel présentera son enquête sur l’usage féminin d’aphrodisiaques, de produits vaginaux rétrécissants, asséchants et de substances dites de « domination » au Togo et au Ghana. Initialement centrée sur les pratiques intravaginales nocives classées par l’OMS comme MGF de type IV et associées à une augmentation des IST et du VIH, cette enquête s’est élargie au fil du terrain à l’ensemble des produits visant à intensifier le désir, fidéliser un partenaire ou influencer son comportement. Elle repose sur des entretiens menés auprès de jeunes femmes togolaises, des observations ethnographiques dans plusieurs marchés urbains et un important travail de recensement d’objets circulant localement, régionalement ou issus du commerce asiatique. Ces produits, vendus par des tradithérapeutes ou dans des réseaux confidentiels féminins tenus principalement par des commerçantes kotokoli et haoussa, se présentent sous des formes multiples et s’utilisent par ingestion, application ou insertion. Ils sont mobilisés pour resserrer ou assécher le vagin afin d’accroître le plaisir masculin, rivaliser entre coépouses, simuler la virginité, se conformer à des normes d’hygiène qui associent les sécrétions vaginales à l’impureté et exercer une domination sur le partenaire. Leurs emballages et leurs modes de diffusion révèlent un imaginaire mêlant références « spirituelles » (vaudou, musulmanes, chrétiennes), promesses de réussite « moderne » et figures féminines globalisées.

Un éclairage complémentaire sera donné par Bakary Cissé, médecin burkinabè, témoin privilégié de ces pratiques. Interrogé dans le cadre de la recherche, il rapporte que ces pratiques nourrissent également une forte inquiétude masculine : de nombreux jeunes hommes redoutent d’être « ensorcelés » ou manipulés par ces produits, perçus comme capables d’altérer leur volonté ou de les « attacher » affectivement. Ce regard situé rappelle que ces substances, loin d’être seulement des outils féminins de séduction ou de négociation conjugale, participent aussi à un champ de tensions où circulent peurs, imaginaires de pouvoir et fragilités masculines.

Francesca Mininel est chercheuse en socio-anthropologie à l’Institut Paoli-Calmettes (Centre de lutte contre le cancer de Marseille), membre du laboratoire SESSTIM (Sciences Économiques et Sociales de la Santé & Traitement de l’Information Médicale – Aix-Marseille Université – IRD – Inserm) et membre de l’Institut des Sciences de la Santé Publique (ISSPAM – Aix-Marseille Université). Elle a réalisé sa thèse en anthropologie dans le cadre de la prévention du VIH au Togo, une recherche portant sur l’entrée dans la sexualité des jeunes filles togolaises, encadrée par l’IRD (TransVIHMI – Recherche translationnelle sur VIH et les Maladies Infectieuses endémiques et émergentes) et par Aix-Marseille Université (IDEMEC – Institut D’Ethnologie Méditerranéenne Européenne et Comparative). Une partie de son premier post-doctorat au LPED, a été consacrée à l’étude de la circulation transnationale des produits vaginaux en Afrique de l’Ouest.

Bakary Cissé est médecin et doctorant en santé publique au sein du laboratoire SESSTIM (Aix-Marseille Université – Inserm – IRD). Ses travaux portent sur la littératie en santé et la prévention de l’hépatite B en France et au Burkina Faso, à l’interface de l’épidémiologie, de l’analyse de données et de la recherche sur les systèmes de santé. Formé en médecine, en biostatistiques et en santé internationale, il a auparavant travaillé au Centre Muraz (Burkina Faso). Son approche vise à mieux comprendre les inégalités de prévention et à contribuer à des pratiques de santé publique adaptées aux contextes.

Lien vers Zoom

ID de réunion : 867 4760 9174

Code secret : 353834

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