Online Research Seminar
Changement climatique et pathologies liées aux vagues de chaleur au Sénégal : un problème public ?
Par Abdoulaye Moussa DIALLO
Vendredi 28 mars 2025
12h 30 - 13h 30 (Brussels Time) – 11h 30 - 12h 30 (GMT)
Zoom link: https://us06web.zoom.us/j/86747609174?pwd=DOZPDzk69rqFwama9Wv0Lz3kZlvDI0.1
Résumé
Contexte, rationnel et objectifs : Le changement climatique (CC) est à l’origine de nombreuses crises, y compris dans le secteur de la santé. Elles se produisent soit de manière continue et cumulée (inondations, stagnation de l’eau, gîtes larvaires), soit de manière discontinue et périodique (fortes chaleurs, maladies thermiques, réémergence de maladies infectieuses), mais toujours de façon renouvelée avec des impacts négatifs sur l’état sanitaire des populations. Les pathologies causées par les températures extrêmes sont perçues par les parties prenantes du système de santé comme des problèmes de santé peu institutionnalisés. Les populations et les professionnels font alors recours aux pratiques d'auto-soin et d'auto-protection professionnelles pour préserver leur santé en zone caniculaire, en complément du manque de prise en charge dans les politiques de santé. Au-delà du facteur environnemental défavorable, ces comportements humains obstruent la réussite des programmes de santé en vigueur. Donc, la question est de savoir pourquoi les pathologies liées à la chaleur ne sont pas érigées en problèmes de santé publique ?
Methods : À l’aide d’une enquête de type socio-anthropologique de terrain, cette étude vise à vérifier cette situation au moyen de données empiriques recueillies lors d’une étude de cas dans le district sanitaire de Matam, dans la zone nord du Sénégal. La taille de l’échantillon a été déterminée par un seuil de saturation où n=165 individus. Les principaux outils utilisés sont l’entretien semi-directif, l’entretien informel, le focus group de discussion, l’observation directe et l’ethnographie. Des articles de presses (publique et privée) et des données quantitatives sanitaires ont aussi été exploités pour renseigner à la fois sur l’évolution du débat national autour des températures extrêmes et sur les données des pathologies thermiques négligées (PThN). Nous avons utilisé un cadre d’analyse des processus de construction des politiques publiques reposant sur les concepts d’émergence, de publicisation, de formulation et de mobilisation.
Results : Les résultats indiquent que les acteurs locaux développent des stratégies de résilience face à l’inaction politique sur la prise en charge des maladies PThN : construction d’établissement de santé en voute nubienne pour lutter contre la chaleur, équipement des postes de santé en climatisation par les comités de développement sanitaire, mobilisation familiale pour préserver les personnes vulnérables, recours aux soins à des heures tardives. Malgré ces initiatives locales, les pathologies dérivées du CC, qui s’installent dans le long terme, ne sont pas encore suffisamment considérées comme une urgence, nécessitant des interventions sanitaires spécifiques à l’instar d’autres pays. Or, l’impact des programmes nationaux de santé déjà mis en place est freiné par la prise en charge individuelle de ces pathologies par les populations et les professionnels de santé. Le statu quo (invisibilité, ignorance et inaction) de l’action politique autour des pathologies thermiques (de la population et des soignants) accentue donc les disparités d’accès à la santé dans un contexte de couverture sanitaire universelle.
Conclusions/implications : Les effets climatiques sont un « nouveau » démultiplicateur les inégalités sociales, sanitaires, voire économiques entre populations. L’érection des PThN comme problème de santé publique permettra de lutter contre la migration thérapeutique, tant chez les populations que chez les professionnels de santé.
Abdoulaye Moussa DIALLO est sociologue/anthropologue, diplômé des universités de Lille et Cheikh Anta Diop de Dakar. Son expérience professionnelle couvre l'Afrique subsaharienne et l’Asie. Il est spécialisé dans la sociologie des politiques publiques, l’anthropologie du développement et de la santé. Il se concentre sur les stratégies de résilience, les moyens mis en œuvre pour l’implémentation de bonnes pratiques de santé et de gouvernance en faveur du développement sanitaire. Ces processus comprennent la gestion des ressources, l’emploi, le développement des capacités, l’amélioration des services de soins, l'intégration de la dimension de genre, l'élaboration des programmes de santé, l'évaluation et la communication. Depuis 2021, Dr Diallo s'est engagé activement dans des programmes sanitaires liés au changement climatique, aux mobilités thérapeutiques des populations sur le continent africain, notamment en soutenant l’érection de certaines maladies (ré) émergentes liées aux variations climatiques en problème de santé publique. Il s'intéresse aux impacts sanitaires, sociaux, économiques, culturels et professionnels du changement climatique dans la multiplication des inégalités sociales, singulièrement par une approche basée sur la territorialisation des mesures politiques suivant l’indice de vulnérabilité climatique des régions. Son leadership dans le développement des systèmes d’information climatique pour mesurer les risques et permettre aux populations de prendre des mesures idoines souligne cet intérêt. Par ailleurs, Abdoulaye a dirigé plusieurs études et travaillé sur la protection sociale, les maladies virales et infectieuses et les approches orientées vers le changement.
Contacts : eelieth@yahoo.fr, camille.al-dabaghy@univ-paris8.fr, lahat.ndiaye27@yahoo.fr
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