Association pour l’anthropologie du changement social et du développement
Association for the anthropology of social change and development

Poids autorisé du registre emic dans les bagages des modèles voyageurs.

Auteur(s) : BOUTINOT Laurence ;

Les demandes d’expertise en sciences sociales dans le domaine du développement et peuvent émaner de bailleurs de fonds soucieux d’évaluer la faisabilité environnementale, économique et sociale d’une filière de production, ou d’entreprises privées transnationales répondant aux nécessités des certifications de qualité. Les motivations pour y répondre de la part du chercheur ou de son établissement employeur, sont de plusieurs ordres et de natures différentes. La circulation du chercheur lui-même entre plusieurs types d’expertise, sa marge de manœuvre et ses dispositions à naviguer d’un champ ou d’un pays à l’autre, entrent dans des critères plus ou moins stabilisés. Nous évoquerons deux cas d’expertise en sciences sociales, leur mise en œuvre, leur contenu, leurs contraintes, les connaissances produites et leur légitimité, au travers de l’expérience vécue par la consultante.

Selon la définition des ‘modèles voyageurs’ (Olivier de Sardan 2018), les normes de certification des producteurs de palmiers à huile (Roundtable on Sustainable Palm Oil- RSPO) entrent dans ce champs d’analyse. Nous voudrions y ajouter un cadre d’étude systématisé par le département coopération de l’Union Européenne (DEVCO) à travers un programme développé par AGRINATURA (un groupe d’organisations de recherche et d’université européen) intitulé VCA4D ou Value Chain Analysis For Dévelopment, dont l’objectif est de conseiller les décideurs politiques dans leur choix de soutenir et/ou de transformer des filières agricoles.

Ces deux dispositifs normatifs relèvent de ‘modèles voyageurs’ propres à cadrer les expertises que nous avons pu réaliser en tant que chercheure en sciences sociales ; l’une en République Démocratique du Congo pour le compte d’une entreprise privée, la seconde au Cameroun pour l’étude sociale de la filière de cacao financée par l’Union Européenne.

Rendre compte de la déclinaison des normes internationales dans les contextes socio-culturels et politiques locaux est le mandat attribué à l’expert en sciences sociales. Il apparaît que les normes, telles celles du RSPO, sont des cadres dont les entrepreneurs privés craignent la rigidité et envers lesquels ils souhaitent que l’expert se distancie en faisant appel, de façon souple et contextualisée, à la spécificité du local. En revanche, les cadres d’études systématisées du VCA4D exigent du consultant de s’y référer de façon la plus normative possible (droit des travailleurs, travail des enfants, égalité de genre, etc.). Nous constatons que la dimension emic des propos tenus par les acteurs locaux et restitués par l’expert, n’endosse pas, dans les deux cas, la même légitimité et ne tient pas la même place dans le rapport de restitution final. Ce dernier entre, en effet, dans des rhétoriques, elles aussi cadrées, qui donnent lieu à des révisions multiples et parfois à des censures. Si dans certains cas, la censure peut renvoyer à un problème déontologique, les corrections relèvent souvent d’une mise en forme diplomatique ou « a partisane » dont la définition reste relative à la doxa dominante. A partir de ces deux expériences, nous donnerons à lire à la fois les contraintes de l’expert en sciences sociales, ainsi que les ‘ficelles du métier’ qu’il doit mobiliser, depuis l’amont jusqu’à la restitution finale du travail aux commanditaires.

 


Mot-clé : certification, expertise, modèles voyageurs, and registre emic

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