La fabrique de l’action publique dans les pays « sous régime d’aide »
Acteurs, processus, négociations
Colloque 2015 de l’APAD,
17-20 novembre 2015
Cotonou (Bénin)
Le Colloque est co-organisé avec le LASDEL (Laboratoire d’études et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local, Niger et Bénin), le LADYD (Laboratoire d’analyse des dynamiques de développement, Faculté d’agronomie de l’Université d’Abomey Calavi, Bénin), en partenariat avec l’Université d’Abomey Calavi et avec l’appui du projet ANR APPI « Une action publique éclatée ? Production et institutionnalisation de l’action publique » et du Ministère béninois pour l’évaluation des politiques publiques. Il est financé grâce au soutien du Département de la recherche de l’Agence française de développement, de l’Ambassade royale des Pays-Bas à Cotonou, de l’Institut de recherche pour le développement.
Plus de 120 communications ont été présentées, d’une quinzaine de pays.
Le Colloque s’est déroulé du 17 au 20 novembre 2015. Il a été ouvert par une conférence inaugurale donnée par Philippe Zittoun, professeur de science politique et secrétaire général de l’IPPA (International Public Policy Association). Cette conférence s’est déroulée sur le Campus de l’Université. Le reste des travaux du colloque a eu lieu à Cotonou, à l’Hôtel du Lac.
Appel à communications
L’action publique peut se définir comme la façon dont des acteurs, étatiques, privés, associatifs, à différentes échelles, agissent sur des problèmes définis comme problèmes publics ou collectifs et contribuent ainsi à réguler les rapports sociaux. Le Colloque 2015 de l’APAD vise à interroger les modalités actuelles de production et de mise en œuvre de l’action publique, dans les pays sous régime d’aide, à partir d’analyses empiriques approfondies, portant sur différents secteurs d’action publique.
Les « nouvelles modalités de l’aide », une évolution des stratégies et des pratiques de développement ?
Alors que les décennies 1980 et 1990 avaient vu une mise en cause de l’Etat et des stratégies de contournement par les institutions internationales, l’Etat est remis en avant dans les années 2000. Signée en 2005, la Déclaration de Paris promeut « l’ownership » des politiques sectorielles par les Etats, l’alignement de l’aide derrière les politiques nationales, la coordination des bailleurs de fonds. Mais ce retour de balancier intervient alors que les administrations sont affaiblies, que les stratégies d’extraversion et d’instrumentalisation de l’aide n’ont jamais été aussi fortes. La notion d’ownership est ambigüe.
Une action publique multi-acteurs et extravertie
Après plusieurs décennies d’ingérence du système d’aide, la capacité de l’Etat à définir ses propres politiques et à les négocier avec les bailleurs de fonds est en débat. La cohérence des politiques des bailleurs de fonds, leur capacité à mettre en œuvre leurs propres conditionnalités, sont discutées. Les Etats ont des capacités de résistance, de subversion, de détournements des politiques imposées. Des pays, voisins par leur histoire et leur dépendance à l’aide, ne font pas les mêmes choix en termes de politiques dans des domaines considérés comme prioritaires, tels que l’eau, l’éducation, la santé ou le foncier. Issus d’initiatives diverses, des dispositifs institutionnels innovants ont été conçus par les acteurs locaux (associations, collectivités locales, initiatives privées….), en cohérence ou en opposition avec les politiques nationales. Des questions de sociétés nouvelles sont portées par des acteurs, qui les prennent en charge en dehors de toute intervention étatique ou développementiste, ou cherchent à les faire émerger dans l’espace public. Il convient alors d’interroger empiriquement les rapports concrets entre les différents acteurs de l’action publique, en analysant les processus par lesquels l’action publique est produite, négociée, mise en œuvre, contestée, adaptée, détournée.
Une perspective empirique sur les processus de formulation et de mise en œuvre de l’action publique et leurs enjeux en termes de « politics » et de « polity »
Les politiques sectorielles (policies), sont toujours, à des degrés variables, marquées par des enjeux de pouvoir entre acteurs et groupes professionnels et entre populations et acteurs externes, liées aux stratégies des élites au pouvoir (politics). Elles posent à des degrés variables, des questions de conception des rapports entre Etat et citoyens, de rapport au marché, de place des normes locales, bref des questions de choix de société, de « polity ».
La sociologie politique et les sciences politiques proposent une analyse constructiviste de l’action publique, comprise comme une action d’acteurs variés sur des sujets d’intérêt public. Ces approches permettent de penser des modes complexes d’action publique, mettant en jeu des échelles de gouvernance emboîtées et des processus pluri-acteurs. L’action publique se révèle comme des processus complexes et ambigus, croisant logiques d’intérêts, combats d’idées et dépendances institutionnelles. Ces perspectives complètent et répondent aux riches acquis de la socio-anthropologie du développement.
Le Colloque 2015 de l’APAD vise à interroger les modalités actuelles de production et de mise en œuvre de l’action publique, dans les pays sous régime d’aide, à partir d’analyses empiriques approfondies, portant sur différents secteurs d’action publique. Issues de perspectives de socio-anthropologie du développement, de sociologie politique, d’économie institutionnelle, de science politique, etc., les communications pourront porter sur différents thèmes, qui explorent la problématique de l’action publique, sur des secteurs différents (santé, éducation, foncier, eau, etc.).
Pistes pour les communications
Les politiques publiques dans les processus de construction des Etats
La sociologie de l’Etat a longtemps mis l’accent sur les luttes de pouvoir pour la conquête et le contrôle de l’Etat, et la question de la domination sur un territoire et des populations. Les travaux récents de socio-anthropologie des services publics ou collectifs mettent en avant une autre dimension structurelle de l’Etat : la production de services aux citoyens. Elle montre aussi l’ampleur des réformes successives et leurs impacts sur les administrations, sur la capacité de l’Etat à assurer cette fonction. Si les Etats sont « en chantier », une lecture historique de l’émergence des différents secteurs d’action publique révèle des processus progressifs de différenciation et de sédimentation de l’intervention de l’Etat, de construction de dispositifs institutionnels, d’accroissement de la présence sur le territoire. Les communications sur ce thème pourront porter sur une histoire politique et institutionnelle des secteurs d’action publique, prenant en compte la pluralité des normes dans le secteur, et les enjeux de policy et de politics sous-jacentes aux choix de policy et de dispositif institutionnel. Elles pourront questionner les liens entre politiques sectorielles et logiques d’intérêts des élites politiques et économiques, et la façon dont les politiques sectorielles contribuent ou non à renforcer l’ancrage local de l’Etat, sa capacité à peser sur les rapports sociaux et les dynamiques sociales, économiques et politiques locales.
La formulation et la publicisation des problèmes
Qui décide qu’une question relève d’un problème public/collectif justifiant d’une politique ou d’un traitement ? Comment les problèmes sont-ils formulés ? Par quels types d’acteurs ? Sous quelles formes ? Comment un cadrage s’impose-t-il au milieu d’une série d’autres cadrages possibles, portés par d’autres réseaux d’acteurs ? Quels sont les acteurs influents, au sein de l’Etat ou en dehors ? Quel est le poids réel des bailleurs de fonds et des Ong internationales ? Quel est le rôle des mobilisations ou des groupes de pression, des médias qui sont, dans les pays industrialisés, des éléments déterminants de la publicisation des problèmes et de leur mise sur agenda ? La multiplication des processus « participatifs » associant « la société civile » recouvre-t-elle seulement des stratégies de légitimation d’options pré-établies ou correspond-elle parfois (et dans quels contextes) à des processus plus délibératifs de coproduction des cadrages et des propositions ?
La circulation des référentiels et l’articulation entre les échelles
Comment, dans un secteur donné, ont été définis les cadrages des politiques ? A partir de quelles(s) controverse(s), de quelles conceptions en compétition, portées par quels acteurs ? Quelles ont été la place des référentiels internationaux ? Par quelles médiations, quelles reformulations, ont-ils été importés dans l’espace nationale ? Les expériences et références locales ont-elles été intégrées à la réflexion ? Lesquelles ? Dans quelle mesure ? Et par quelles médiations ?
La mise en œuvre de l’action publique : quels instruments ? Quels dispositifs ? Quelle effectivité ?
Partant du constat que tout dispositif est issu d’un processus de négociation pluri-acteurs (Etat, bailleur, institutions locales, opérateur), et que cette négociation se poursuit lors de la mise en œuvre, du fait des réactions des populations et des institutions locales, il s’agira d’analyser ces processus et les réinterprétations et dérives qu’ils induisent. Un focus pourra être mis sur le recours accru à la contractualisation et à la sous-traitance, et ses conséquences. Prenant la question de l’effectivité des politiques comme un problème, il pourra s’agir aussi d’analyser les stratégies de mise en œuvre et leur confrontation aux situations locales, et d’interroger les processus de réinterprétation/adoption sélective/rejet des innovations.
Services, dispositifs institutionnels et modes de coordination entre acteurs
Partant du constat de la diversité des offres de service, proposées par des dispositifs institutionnels de nature très différente (Etat, communes, projets de développement, ONG, associations, etc.), les communications pourront porter sur des dispositifs mis en œuvre par l’Etat, les collectivités territoriales, les ONG. Il s’agira d’analyser l’ancrage local des dispositifs et les processus d’hybridation et d’adaptation des modèles qui l’ont rendu possible ou l’ont empêché, d’expliciter les rapports concrets d’ignorance, de concurrence, de coordination, etc. qui se nouent entre acteurs producteurs de service,
Les communications s’attacheront ici à analyser les modes concrets de production et de régulation des services, autour des rapports entre les différents acteurs intervenants dans la production du service.