Traduction par Fadhila et Pierre-Yves le Meur de The will to improve, Governmentality, Development, and the Practice of Politics publié en 2007 aux Duke University Press, cet ouvrage propose un remarquable récit du développement en action, centré sur une série de tentatives visant à améliorer les paysages et les modes de vie. L’auteur y expose, en détail tant les pratiques qui permettent aux experts de diagnostiquer les problèmes et de concevoir des interventions, que la capacité d’action des personnes dont les conduites sont visées par les réformes. Combinant très efficacement théorie, ethnographie et histoire, il est mis en lumière le travail d’agents de développement ayant opéré à différentes époques : fonctionnaires et missionnaires coloniaux ; spécialistes de l’agriculture, de l’hygiène et du crédit ; activistes politiques ayant créé leurs propres modèles devant guider les villageois vers des vies meilleures. L’auteur décrit et analyse des opérations visant, sur financements extérieurs, à intégrer des objectifs de conservation de la nature et de développement via la participation des communautés, ainsi qu’un programme gigantesque, d’un milliard de dollars US, conçu par la Banque mondiale pour réactiver ou réinventer la communauté villageoise, inculquer de nouveaux comportements basés sur la compétition et le choix, et reconstruire la société « par le bas ».
Démontrant que la volonté d’« agir pour les autres » a une longue et complexe histoire, souvent troublée, Tania Murray Li identifie des récurrences fortes allant de la période coloniale jusqu’à l’époque actuelle. Attentive aux spécificités du développement dans les hautes terres de Sulawesi, en Indonésie, elle montre comment une série d’interventions se sont succédées et aussi imbriquées les unes dans les autres, et elle piste leurs effets contrastés, entre bien-être et famine, suivisme et mobilisation politique, solidarités nouvelles, résistance identitaire et action violente.
La version française de l’ouvrage comprend une préface, où Pierre-Yves Le Meur (IRD/UMR GRED) met en perspective l’ouvrage pour un public francophone, et d’une postface originale où Tania Li revient sur les débats suscités par l’ouvrage et son actualité dix ans après sa première publication.
Tania Murray Li est professeur d’anthropologie à l’université de Toronto. Membre de l’Académie royale du Canada, elle a écrit plusieurs ouvrages primés, dont Land’s end : Capitalist relations on an indigenous frontier (Duke University Press, 2014) et de nombreux articles sur la terre, le travail, les classes sociales, le capitalisme, le développement, les ressources et l’autochtonie, avec un accent particulier sur l’Indonésie.
Li T. M., 2020, Agir pour les autres. Gouvernementalité, développement et pratique du politique, Coll. Hommes et sociétés, Paris/Montpellier, Karthala/APAD.
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