Association pour l’anthropologie du changement social et du développement
Association for the anthropology of social change and development

Les circulations des référentiels et des instruments d’action publique

Circulation of policy frames and tools

Auteur(s) : Lavigne Delville Philippe ; Al Dabaghy Camille ;

Résumé en Français

Une politique publique repose sur une représentation de la réalité qui constitue le référentiel de cette politique. Les référentiels circulent d’un pays à l’autre, ou sont produits à des échelons transnationaux. Ce panel invite à interroger la circulation – tant horizontale que verticale – des référentiels et des instruments d’action publique, en analysant les réseaux d’acteurs au sein desquels ils sont élaborés, et les acteurs qui jouent un rôle de médiateurs. Des communications portant sur des secteurs différents d’action publique permettra une approche comparative sur les modes de circulation en fonction de l’enjeu du secteur pour les structures de l’aide.

English summary

A public policy is based on a representation of reality which constitutes the frame of reference for this policy. The policy frames circulate from one country to another, or are produced at transnational levels. This panel invites us to question the circulation – both horizontal and vertical – of policy frames and tools, by analysing the networks of actors within which they are developed and the actors who play a role as mediators. Papers on different sectors of public policy or public action will allow for a comparative approach to the diverse modes of circulation according to the stakes of the sector for aid structures.


Argumentaire en Français

Une politique publique repose sur une représentation de la réalité qui constitue le référentiel de cette politique (Muller, 2010). De plus en plus, les référentiels et les instruments circulent d’un pays à l’autre, ou sont produits à des échelons transnationaux. Dans les pays où l’aide internationale est présente, les réformes successives des politiques sectorielles sont fortement liées aux évolutions des paradigmes de l’aide et aux référentiels sectoriels définis au sommet des organisations d’aide et dans les réseaux transnationaux reliant ces organisations (Darbon, 2009). Pour autant, ces modèles ne percolent pas mécaniquement, du haut vers le bas. Ils sont aussi issus d’expériences de terrain, et remontent « du bas » vers le « haut » ; ils diffusent horizontalement, à travers expertises régionales, ateliers, visites d’échange, etc. De plus, la circulation des référentiels passe par des réinterprétations, des adaptations (Delpeuch, 2009). Enfin, les décalages entre référentiels et instruments sont peut-être plus forts dans les
pays du Sud qu’ailleurs. En matière de politiques publiques, le « courant des problèmes » et le « courant des solutions » sont portées par des acteurs différents (Kingdon et Thurber, 1984). Le jeu de l’expertise, la reproduction des solutions par les experts, concourent à des disjonctions
parfois fortes entre référentiels et instruments, voire à des politiques où le référentiel est formulé en fonction des « solutions » disponibles. C’est souvent dans le choix – ou les réinterprétations – des instruments et des dispositifs, plus que dans la contestation des référentiels que les autorités nationales (re)trouvent une marge d’autonomie leur permettant d’orienter les politiques dans le sens de leurs priorités.

Ce panel souhaite rassembler des travaux empiriques approfondis sur la circulation – tant horizontale que verticale – des référentiels et des instruments d’action publique, sur différents secteurs. Chaque secteur a en effet sa propre histoire, ses propres réseaux d’acteurs et de professions, et est pris en charge différemment par les institutions d’aide. Sur les thèmes considérés comme des enjeux globaux par les structures de l’aide, on trouvera une institution transnationale dominante qui organise autour d’elle des constellations d’organisations internationales et nationales (Eboko, 2015). Dans d’autres, les configurations institutionnelles sont plus fluides, voire structurées autour de réseaux transnationalisés en concurrence (Lavigne Delville, 2018). Là où les « modèles voyageurs » (Olivier de Sardan, 2018) constituent un package verrouillé, les référentiels sont à la fois plus généraux et plus lâches, moins orientés sur la mise en oeuvre.

La circulation des référentiels et des instruments – ou le refus de certains transferts, également intéressant à investiguer – est le fait d’acteurs variés, experts internationaux, mais aussi chercheurs, hauts fonctionnaires nationaux, cadres nationaux des structures de l’aide, consultants nationaux, etc., reliés entre eux par de nombreux liens : des formations communes, la participation à des ateliers ou colloques, nationaux ou internationaux, à des contrats d’expertises, etc. Aux affinités personnelles et politiques s’ajoutent des asymétries de savoirs, et des conflits de vision politique ou des rivalités institutionnelles. Suivre la circulation – ou la non circulation – des référentiels, c’est aussi et en même temps suivre les réseaux d’action publique qui se constituent, et situer les acteurs clés, les médiateurs, dans leur trajectoire et leurs expériences.

Les communications pourront porter sur des thèmes variés, et porter tant sur les circulations d’idées et de dispositifs sur des objets classiques de l’aide (les référentiels de l’eau potable, la lutte contre le VIH Sida, par ex.) que sur l’émergence de thématiques nouvelles comme la santé sexuelle et reproductive des jeunes filles, ou l’insertion socio-professionnelle des jeunes. Elles pourront aussi porter sur la circulation d’instruments entre secteurs, sur la façon dont les stratégies d’action sur un secteur donné, en émergence ou dont le référentiel a changé, empruntent des instruments à d’autres secteurs.


English argumentary

A public policy is based on a representation of reality, which constitutes its frame of reference (Muller, 2010; Fischer, 2003). Increasingly, benchmarks and instruments circulate from one country to another, or are produced at transnational levels. In countries where international aid is present, successive reforms of sectoral policies are strongly linked to changes in aid paradigms which themselves frame the sectoral policy frames defined at the top of aid organizations and in the transnational networks linking these organizations (Darbon, 2009). However, these models do not percolate mechanically from top to bottom. They are also the result of field experiences, and go “from the bottom” to the “top”; they disseminate horizontally, through regional expertise, workshops, exchange visits, etc. Much more, the circulation of policy frames requires reinterpretations and adaptations (Delpeuch, 2009).

Finally, the discrepancies between policy frames and tools are perhaps greater in the countries of the South than elsewhere. In terms of public policy, the “problem stream ” and the “solution stream ” are carried by different actors (Kingdon and Thurber, 1984). The interplay of expertise and the reproduction of solutions by experts contribute to the sometimes strong disjunctions between policy frames and tools, or even to policies where the frame is formulated according to the available “solution”. Often, the choice – or the reinterpretations – of tools and mechanisms, rather than the contestation of reference frameworks, offers national authorities room for manoeuvre enabling them to orient policies in their own priorities.

This panel wishes to gather in-depth empirical work on the circulation – both horizontal and vertical – of policy frames and tools in different sectors. Indeed, each sector has its own history, its own networks of actors and professions, and is handled differently by aid institutions. On issues considered as global by aid structures, one will find a dominant transnational institution that organizes constellations of international and national organizations around it (Eboko, 2015). In others, institutional configurations are more fluid, or even structured around competing transnational networks (Lavigne Delville, 2018). Where “traveller models” (Olivier de Sardan, 2018) constitute a locked package, the policy frames are both more general and looser, less oriented towards implementation.

The circulation of policy frames and tools – or the refusal of certain transfers, which is also worth investigating – is the work of a variety of actors, international experts, but also researchers, senior national civil servants, national executives from aid structures, national consultants, etc., linked together by numerous links: joint training, participation in national or international workshops or symposiums, expert appraisal contracts, etc. In addition to personal and political affinities, there are asymmetries of knowledge, conflicts of political vision or institutional rivalries. Analysing the circulation – or non-circulation – of frames also means analysing the public policy networks, and at the same time situating the key players, the mediators, in their trajectory and experiences.

Communications will deal with a variety of issues, and cover both the circulation of ideas and mechanisms on traditional aid objects (e.g. drinking water systems, the fight against HIV/AIDS) and the emergence of new themes such as the sexual and reproductive health of young girls, or the socio-professional integration of young people. They may also deal with the circulation of instruments between sectors, the way in which the implementation strategies in a given sector, whether emerging or whose frame of reference has changed, borrow tools from other sectors.


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