Association pour l’anthropologie du changement social et du développement
Association for the anthropology of social change and development

Le Maroc, un archipel bureaucratique de la migration africaine.

Auteur(s) : Diallo Mamadou Alimou ;

 « Il y a maintenant des syndicats, des associations, des administrations publiques marocaines, des ONG internationales, des églises, des bailleurs de fonds (…) qui s’intéressent aux migrants subsahariens. Tout le monde s’y intéresse maintenant. Tout ça, c’est grâce à Sa Majesté le roi Mohamed VI. En 2005, je n’aurais jamais imaginé un tel engouement envers les Subsahariens[1]

          Cette ONGisation de la gestion de l’immigration a transformé le Maroc en un véritable « archipel bureaucratique[2]» qui, en ralliant des experts spécialistes de la question subsaharienne et des courtiers spécialisés dans la fabrication de programmes d’aides et d’assistance destinés aux migrants, a entrainé l’émergence d’un ensemble d’acteurs privés chargés de la mise en œuvre quotidienne de toute sorte de programmes d’aides destinés aux migrants. Qu’y a-t-il donc de commun entre un fonctionnaire marocain; un militant associatif qui défend la cause des migrants; un expert européen; un employé de l’OIM qui aide des migrants dans leurs démarches pour se retourner dans leurs pays d’origine; un professeur de langue arabe qui dispense aux migrants des cours du soir; un clerc de l’Église qui apporte assistance aux migrants; un vendeur de tickets de bus qui contrôle l’identité des “migrants-voyageurs”; un migrant qui joue le rôle d’intermédiaire entre l’État marocain et d’autres migrants; un syndicaliste qui défend des femmes de ménage migrantes en situation irrégulière; des propriétaires (logeurs et hôteliers) qui enregistrent l’identité des étrangers dans leurs fichiers privés ? Tous s’intéressent au sort des « migrants »: ils assurent, d’une part, l’interaction entre l’État marocain et certains acteurs transnationaux et, de l’autre, ils sont tous à l’interstice entre l’administration marocaine et les migrants. Tous peuvent aussi être considérés comme étant des intermédiaires jouant le rôle de courtiers de la migration[3] : un groupe au contour sociologique flou certes, mais dont l’existence n’est plus discutable et dont l’importance ne cesse de croitre ces dernières années au Maroc.

A partir donc d’une enquête ethnographique, cette communication se propose d’ouvrir un double dossier.  L’un a pour but d’analyser cet « archipel bureaucratique » comme une forme de transnationalisation par le bas de la gestion de l’immigration au Maroc, impliquant une pluralité d’acteurs ayant une autorité (fonctionnaires, experts, associatifs, ONG, religieux, etc.) et des subalternes (sous-traitant, messagers de l’État, médiateurs sociaux, commerçants, etc.) qui font fonctionner ce système bureaucratique, mais aussi en observant les espaces où se manifeste et s’exerce ce pouvoir transnational par le bas (guichets administratifs, sièges des ONG, rue, marchés, guichets des associations, églises, campements de fortune, gare routière, etc.). L’autre dossier s’intéressera enfin à un ensemble de fichiers et d’infrastructures informatiques mis en place par ces acteurs pour enregistrer et ficher les migrants au Maroc.

[1] Entretien n°22, Frank, secrétaire général de l’ODT-I, Rabat, le 28 janvier 2018.

[2] Le mot « archipel bureaucratique » s’inspire du terme « archipel de police » conceptualisé par Didier Bigo (1996).

[3] Du mot « courtier du développement » pour désigner les intermédiaires entre les développeurs et les bénéficiaires de programmes de développement (Olivier de Sardan et Bierschenk,1993)


Mot-clé : biométrisation des fichiers, bureaucratie, courtiers de la migration, Maroc, Subsahariens, et transnationalisation par le bas

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