Association pour l’anthropologie du changement social et du développement
Association for the anthropology of social change and development

Quand l’activisme environnementale ouvre les portes à l’ascension professionnelle, éventuellement politique et à la spéculation économique.

Auteur(s) : Di Matteo Francesca ;

L’aide au développement a fait du Kenya un pôle d’attraction de projets d’innovation technologique,  qu’ils soient portés par des organisations internationales et philanthropiques de toutes les tailles, des start-ups, des investisseurs naviguant entre le profit et non-profit. Ce panorama offre aux classes moyennes kényanes (surtout celles basées à Nairobi, mais pas seulement) un marché du travail très dynamique. Depuis la célèbre ONG-isation de la société civile des années 2000, et a fortiori dans les dix dernières années, l’activisme, notamment dans le champ environnemental, est devenu moins critique des actions gouvernementales ; il a été absorbé par l’industrie de l’aide. Depuis l’arrivée au pouvoir de W. Ruto (Président kényan depuis 2022), on assiste à une capture du discours international sur l’environnement, notamment de la rhétorique du changement climatique, dépolitisant et technicisant les enjeux fonciers et de gestions des ressources naturelles. Le gouvernement s’est approprié la langue de bois des institutions internationales ; les acteurs des ONG multiplient les projets de conservation de la nature, en s’appuyant notamment sur l’administration territoriale et les gouvernements locaux. Dès lors, émergent des réseaux complexes  d’alliances multi-échelle entre professionnels de la conservation, administrateurs, politiciens et représentants locaux se positionnant en courtiers du développement, du politique et de la spéculation économique. Sur la base de données empiriques collectées dans les zones pastorales du sud du Kenya, notamment dans les comtés de Narok et Kajiado (anciennes réserves Maasai), la communication illustre les stratégies d’accaparement foncier prétendument « vert » (green grabbing) mises en œuvre par ces réseaux. Ces stratégies influent sur la professionnalisation des métiers de la conservation, surtout dans le cadre d’organisation qui se présentent comme représentant les communautés locales, largement soutenues et financées par l’aide au développement pour légitimer le fort interventionnisme territorial. L’objectif ultime de cette communication est de montrer le paradoxe opéré par ces réseaux transnationaux qui défendent des notions et approches très chères à l’industrie du développement, comme celles de « localisation », ou d’« approche communautaire » (community-based). Alors que les projets de conservation sont censés améliorer les conditions de communautés locales en les sensibilisant aux enjeux de la conservation), ils instituent la spoliation des groupes habitant ces territoires. Le succès professionnel des acteurs de la conservation tient souvent à leur capacité à accorder les impératifs conservationnistes aux logiques politiques de contrôle territorial et spéculation économique.

 


Mot-clé :

Conectez vous pour accéder au texte complet
[caldera_form id="CF601abc919576c"]

Toutes les communications appartenant au même panel :

Voir le panel « Travailler pour l’environnement dans les Suds : professionnalisation, bureaucratisation et instrumentation au sein des politiques d’aides au développement ». /

Voir tous les panels du colloque Au prisme du travail : capitalisme, développement et changement social dans le Sud global