Une citoyenneté contestée au Maroc ? Etude de la revendication de la déchéance de la nationalité
Auteur(s) : El Gharbi Zineb ;
Fin septembre 2018 ont eu lieu des expulsions de bidonvilles au quartier Ain Sebaa de Casablanca, suivies par la destruction de ces habitations par les autorités. Les habitants de ces occupations détruites ont réagi en faisait part de leur humiliation, hogra, dans un premier temps. Remettant en cause le statut de leur “citoyenneté”, ils ont décidé d’entreprendre une marche jusqu’à Ceuta – enclave espagnole au nord du pays – pour demander le droit à l’asile politique. Dans le texte qu’ils ont produit pour communiquer à cet effet, les habitants précisent que l’asile est un “droit universel garanti par les traités et conventions internationales”, avant de conclure par la phrase suivante : “qui n’a pas de logement, n’a pas de patrie”.
Fin août 2019 six détenus politiques rifains, incarcérés pour leur participation au Hirak du Rif, ont rendu public un communiqué dans lequel ils affirment leur détermination “à abandonner la nationalité de l’État marocain et sa déchéance, ainsi qu’à rompre le lien d’allégeance, à partir de la date de parution” du communiqué. Ils concluent le communiqué comme suit : “Nous pleurons la patrie, nous lui avons sacrifié la fleur de notre âge et nous lui donnerons notre vie, cependant, nous ne serons jamais prêts à cautionner un État qui veut enterrer un peuple, une patrie et un rêve d’une dignité et d’une liberté”.
A travers ces déclarations et ces actes, ce sont des fonds d’appartenances qui sont remis en question. L’Etat est un cadre dans lequel s’exprime un cumul d’appartenances concurrentes. Nous cherchons à comprendre l’échelle d’activation de ces appartenances et de leurs influences sur les individus. Ce qui revient à poser la question du degré d’intégration de ces individus dans la cité moderne qu’incarne l’Etat marocain. Plusieurs revendications se croisent, plusieurs modalités d’action ou d’agir varient selon, non seulement les contextes, mais aussi les moyens et les outils dont disposent les concernés (apparitions sur différents supports de médias, publications sur les réseaux sociaux). Ces éléments nous conduisent à questionner avec profondeur la fabrique de ce sentiment d’appartenance à une entité abstraite, l’Etat, qui façonne les règles de conduite et les droits de ses sujets. Le sens de la citoyenneté nous semble dans ce cas distant de celui que l’on peut lui donner au nord de la Méditerranée, non seulement pour des questions de contextes mais aussi pour des questions pratiques et historiques. Qu’est ce qui crée le sentiment de communauté au sud de la Méditerranée et au Maroc précisément ? En ce sens, qu’est ce que faire “sacrifice” pour faire communauté ? Quels sont les facteurs et les fonds d’appartenances qui satisfont ce sentiment national ou au contraire, qui poussent à l’envie de déchoir sa nationalité et de migrer ?
Notre projet de communication tient compte de deux éléments liés aux deux événements relevés. Le premier questionne le sens de la citoyenneté en tant que sentiment d’appartenance à un Etat et d’accès à des droits. Le second concerne la déchéance de la nationalité comme droit, qui implique de son côté le droit de fuir et le droit à l’assistance internationale par la convocation des instances et du droit à l’asile politique. Pouvons nous dès lors affirmer l’existence d’un autre droit dans celui qui consiste au refus de la citoyenneté ? Est ce que le droit de fuite fait partie des droits citoyens ?
Mot-clé : citoyenneté, émigration, information, médias, et répertoire d'action
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