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Le numérique, entre optimisation et contrôle des circulations urbaines – L’exemple de Kigali au Rwanda

Le numérique, entre optimisation et contrôle des circulations urbaines – L’exemple de Kigali au Rwanda

Auteur(s) : LESTEVEN Gaele ; BOUTUEIL Virginie ;

Le monde des transports urbains en Afrique connaît des changements importants avec le développement de grandes infrastructures (BRT, LRT, métro, tramway), soutenues par les autorités en place et les bailleurs de fonds internationaux, alors qu’en parallèle les opérateurs de transport locaux sont amenés à se professionnaliser sous l’injonction de politiques publiques de modernisation de l’offre de transport. Le développement du numérique joue un rôle de facilitateur dans la mise en œuvre de cette modernisation. Pour autant, ce développement facilite-t-il l’appropriation des infrastructures et de leurs dispositifs de circulation ? Ou bien accentue-t-il les moyens de surveillance, renforçant les inégalités d’accès au transport comme au numérique ?

Nous nous proposons d’analyser cette tension à l’aune d’une étude de cas menée à Kigali au Rwanda. Depuis le début des années 2010, le gouvernement rwandais mène une politique volontariste de modernisation de l’offre en transports en commun dans la capitale. Une première vague de modernisation en 2013 a interdit aux minibus de circuler dans la ville. La réforme s’est matérialisée par l’achat de bus neufs équipés du wifi, par la restructuration des gares routières et l’installation d’arrêts de bus et par l’utilisation de cartes de transport en remplacement des tickets de bus. Aujourd’hui, les habitants de Kigali se déplacent majoritairement en bus ou en moto-taxi. Une deuxième vague de réformes en cours a pour but d’équiper les taxis et les moto-taxis de traceurs GPS, permettant de suivre les déplacements des véhicules, de leurs chauffeurs mais également des usagers. Une troisième vague de modernisation par l’électrification est annoncée.

Peut-on parler d’un « modèle Kigali » ? Présenté par les médias comme la « smart city » de l’Afrique des Grands Lacs, s’appuyant sur des contrats de performance loués par les bailleurs, ce modèle questionne les effets de telles mesures sur l’organisation et la performance du système de mobilité urbaine, mais aussi les risques de dérive qui leur sont associés (contrôle policier des mouvements de la population, atteintes au respect de la vie privée). Les solutions qu’il promeut sont différentes de ce qui s’observe dans d’autres villes africaines – comme à Nairobi ou Accra par exemple – où émergent de nouveaux acteurs issus de la société civile, producteurs de communs numériques appliqués au transport. La portée et les limites de deux modèles très contrastés de transformation par le numérique de la mobilité méritent d’être discutées.

L’analyse s’appuie sur 26 entretiens semi-directifs que nous avons menés auprès d’acteurs locaux et internationaux : pouvoirs publics, opérateurs, start-ups, bailleurs, ONG et consultants internationaux lors d’une mission de terrain réalisée à Kigali en mars 2019. A ces entretiens, s’ajoutent une analyse de la littérature grise et une observation participante (visite des gares routières, test des applications de mobilité, utilisation des différents modes de transport disponibles en ville).


Mot-clé : Kigali, mobilité urbaine, modernisation des transports, Rwanda, et transformation numérique

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