Association pour l’anthropologie du changement social et du développement
Association for the anthropology of social change and development

“Uza beyi chini”! Les “made in China” et la consommation de masse dans les milieux rurbains en République démocratique du Congo

“Uza beyi chini”! Les “made in China” et la consommation de masse dans les milieux rurbains en République démocratique du Congo

Auteur(s) : GERMAIN NGOIE ;

Walt Rostow présentait « l’ère de la consommation de masse » comme l’étape ultime des étapes à franchir par les sociétés humaines dans l’accomplissement de la quête du développement. Selon cette vision, les sociétés capitalistes développées ont atteint cette étape à travers des longs processus de transformation de leurs économies, de la complexité de la division du travail et des mutations induites sinon reposant sur les technologies de pointe dont « la révolution technétronique », pour reprendre les termes de Zbigniew Brzezinski, a ouvert le chemin. Cette étape ouverte à l’horizon des sociétés humaines semblait fermée pour certaines autres sociétés dont les ressorts de l’activité économique étaient coincés dans la production de type traditionnel. Dans le monde rostowien, la plupart des sociétés africaines étaient logées, sinon elles traînent le pied dans l’étape traditionnelle : pas de satisfaction facile des besoins, rareté des biens à offrir à la consommation des gens, pauvreté des moyens de subsistance. Ces pauvres et les ménages des pays sous-développés ne peuvent pas accéder à la consommation des biens de qualité produits dans les sociétés chrématistiques du Nord. La montée de la Chine devenue le plus grand « atelier du monde » va bousculer la circulation des biens et des gadgets de la modernité triomphante. En République Démocratique du Congo, un pays dont le niveau de la pauvreté est élevé avec une population à majorité rurale pour plus de 70 pour cent vivant avec moins d’un dollar par jour, l’arrivée des produits chinois devient une aubaine et une bouffée d’oxygène dans la chaine des valeurs d’accès et de consommation des biens économiques. Ilunga Kabongo parlait de « zone d’existence » et de « zone de non-existence » : la première zone renvoie à des milieux dans lesquels on trouvait des populations de la classe aisée ; la deuxième zone est celle des « demiscados » : les exclus et les appauvris du système. Pour Kabongo, les premières se réduisent, les deuxièmes se répandent partout dans ce pays. A l’évidence, la pauvreté se généralise et entraine une égalisation des espaces dans la pauvreté car aussi bien les milieux urbains que les milieux ruraux sont touchés par celle-ci. Les milieux rurbains deviennent ainsi ce trait spatial où la distinction entre l’urbain et le rural se dilue dans la précarité socio-économique. Ce tournant se caractérise par la mise à disposition des populations de toutes sortes de biens de première nécessité et des biens de valeur qui étaient portés à créer une hiérarchie sociale. Les asymétries dans la consommation induite du développement du sous-développement capitalistique en RDCongo tendent à disparaître avec les produits « made in China ». Ceci a entrainé l’entrée du pays dans une ère de consommation de masse dans une dynamique de la continuation de la pauvreté. Ainsi dans ce texte, notre objet est de décoder le paradoxe de l’ère de la consommation de masse dans la pauvreté en analysant l’impact socio-économique de l’arrivée des produits chinois dans la vie des ménages rurbains et en présentant les représentations que les gens se font de ces produits. Ce texte repose sur la recherche documentaire et des données empiriques récoltées dans la ville de Bukavu –une ville située à l’Est du pays dans les zones de conflit récurent et de Lubumbashi –une ville minière localisée dans le Copperbelt au sud du pays, à travers l’observation et les enquêtes ethnographiques.


Mot-clé : bien économique, circulation, consommation de masse, Globalisation, pauvreté, reporésentation sociale, et valeur d'usage

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Des motos Made in Chinafrica : comment une « chinoiserie » devient un objet de désir

Des motos Made in Chinafrica : comment une « chinoiserie » devient un objet de désir

Auteur(s) : Blundo Giorgio ;

Dans la littérature décryptant les relations entre la Chine et l’Afrique, l’étude des mobilités humaines a longtemps prévalu sur celle de la circulation de biens et marchandises. Relégués habituellement à l’arrière-plan sous un dénominateur commun – des copies de mauvaise qualité au prix abordable –, les produits manufacturés chinois, et leur inscription dans les sociétés africaines, commencent à être pris au sérieux par des travaux qui montrent les multiples usages, perceptions et pratiques socioculturelles que suscite l’importation de produits industriels chinois (cf. Khan Mohammad 2016 et Sylvanus 2016).

S’inscrivant dans cette trajectoire, ma contribution suggère qu’il est possible de comprendre à nouveaux frais la réception des produits chinois en Afrique, en déplaçant le regard du seul lieu de consommation à l’ensemble d’une chaine globale d’approvisionnement et de valeur. Autrement dit, en s’intéressant également à la face cachée des produits chinois, celle qui a trait à leur conception et leurs modalités de production et de diffusion.

Le cas présenté ici portera sur la filière des motos chinoises. En une vingtaine d’années, l’Afrique est devenue un des principaux marchés des deux roues fabriquées en Chine, absorbant désormais un quart de sa production à l’exportation.

Je discuterai les résultats d’une ethnographie qui, à partir du Togo, la principale porte d’entrée des motocyclettes de fabrication chinoise en Afrique de l’Ouest, a investi les sites où se rencontrent les professionnels africains et chinois du secteur pour identifier un fournisseur, dénicher ou créer un nouveau modèle, régler des problèmes de fiabilité avec un fabriquant ou passer commande : la foire de Canton, le Baiyun Motorcycle Market, ainsi que des usines aux capacités productives et technologiques inégales dans les districts industriels du Guangdong, de Chongqing et de Luoyang.

En examinant les « biographies » à succès – et les échecs – de quelques modèles ou marques dans leur circulation entre la Chine et l’Afrique de l’Ouest, je montrerai par quels acteurs et processus ces « chinoiseries », initialement dévalorisées et dépourvues d’une identité propre, sont devenues, pour certaines marques tout au moins, des objets désirables et valorisants.

Par des aller-retours entre les lieux de conception, production, distribution et consommation, et le croisement des regards et des pratiques observés tout au long de la chaine d’approvisionnement, je soulignerai la très grande interdépendance entre importateurs africains et fabricants chinois.

On verra que les débats des consommateurs et des commerçants togolais ou ouest-africains sur le design, les performances, la qualité des motos, la copie et la contrefaçon prennent leur source bien en amont, dans ces usines globalisées pouvant fournir plus d’une centaine de pays simultanément, prospérant grâce au système « OEM » et orientant leur production en fonction des suggestions de clients situés dans des marchés fort éloignés. Ils se poursuivent dans les rues et les show-rooms togolais à travers des formes de « marketing frugal », par le concours des revendeurs, le rôle central des mécaniciens, le bouche-à-oreille des usagers.

En dépit des nombreuses contraintes qui encadrent et orientent la production motocycliste chinoise, ces engins sont aussi et surtout des assemblages sino-africains, alimentés par des représentations mutuelles, des astuces techniques, des désirs partagés de réussite et d’élévation sociale.


Mot-clé : chaine d'approvisionnement, Chine, circulation, marchandise, Moto, et Togo

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Les médecines complémentaires et parallèles à l’épreuve de l’observance thérapeutique des personnes vivantes avec le VIH dans la ville de Kara

Les médecines complémentaires et parallèles à l’épreuve de l’observance thérapeutique des personnes vivantes avec le VIH dans la ville de Kara

Auteur(s) : KANATI Lardja ;

Résumé :

L’observance, dans le cadre des multithérapies complexes et contraignantes que sont les thérapies antirétrovirales, est un enjeu majeur pour l’efficacité des traitements contre le VIH (Assal, 1996 ; Delfraissy, 2002). Le respect des prescriptions est fondamental afin d’éviter les problèmes de résistance qui remettent en question tous les efforts faits actuellement pour augmenter le nombre de patients traités en Afrique. De récents travaux menés auprès des personnes vivant avec le VIH dans la ville de Kara par L. Kanati (2015). Cependant, ces travaux n’explorent pas le lien entre médecines complémentaires et parallèles et l’inobservance thérapeutique. Or, l’étude des comportements thérapeutiques des personnes séropositives ne peut évidemment se limiter au cadre de traitements antirétroviraux que perçoivent certaines d’entre elles. Le Togo est envahi par des gammes de produits chinois qui sont proposés aux personnes vivant avec une maladie chronique dont le sida. Les promoteurs de cette thérapie chinoise proposent des combinaisons allant de l’ayurvéda à l’utilisation des tisanes chinoises.

Pour rendre compte de l’attrait exercé par la médecine chinoise, cet article se propose d’analyser les démarches thérapeutiques moins conventionnelles des personnes vivant avec le VIH/sida à Kara. Il ressort de nos enquêtes exploratoires que 70% des patients utilisaient la tisane des Tiens ou des produits de Ning hong afin de gérer les effets iatrogènes des médicaments. 20% des enquêtés font recours à l’acupuncture car, disent-ils, cette pratique donne un mieux-être et un sens à l’expérience de la maladie.


Mot-clé : Ayurvéda, Effets iatrogènes, Kara, Médecine chinoise, Médecines parallèles et complémentaires, et Observance thérapeutique

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La production et circulation de la “tuabilité” dans la frontière Mexique-Etats Unis

La production et circulation de la “tuabilité” dans la frontière Mexique-Etats Unis

Auteur(s) : DIAZ Paola ;

Dans cette communication nous examinerons la production et circulation des morts et des disparus dans la frontière entre le Mexique et les États Unis, ce que nous appellerons necro-économies.  Cette présentation est basée sur trois terrains ethnographiques des deux côtés de la frontière (Sonora/Arizona) réalisés entre 2017 et 2019 avec des observations, entretiens et travail bénévoles pour des organisations humanitaires.

Dans la production de la mort et de la disparition en masse intervienne un assemblage frontalier (écologie de divers dispositifs de pouvoir) qui engendre les conditions politiques, économiques et environnementales de la mort et disparition de personnes vulnerabilisées. D’abord, une politique économique de libéralisation des marchés (couronnée par la signature du Traité de libre commerce de l’Atlantique du Nord -NAFTA/TCLAN et depuis 2018 AEUMC/UNMCA), la mise en place d’une stratégie de sécurisation et militarisation de la frontière mise en place en 1994 et renforcée à partir des attentats de 2001 (nommée par Border Patrol “prevention through deterrance”) et une « guerre contre la drogue » déclarée par le gouvernement mexicain en 2006 et qui continue encore.

Sous ces conditions beaucoup des paysans pauvres ont dû quitter leurs terres car ils n’arriveraient plus à concourir avec les produits importés ; ils ont également fui les gangs et les cartels parcourant des territoires en guerre depuis 2006, pour finalement arriver à une frontière militarisée qui les conduit à croiser par des zones remontes et mortifères comme l’est le désert de Sonora/Arizona.

La circulation des morts et disparus fait référence ici à l’acte de franchir cette frontière. Cela signifie se voir hautement exposé à la mort et la disparition, ce qui est le destin d’un nombre croissant des migrants. Les plus touchés étant les migrants centroaméricains. Du côté mexicain la frontière est contrôlée par le crime organisé. Alors sous les actuelles conditions de militarisation le prix de la traversée a beaucoup augmenté ainsi que le danger ; les migrants sont cachés dans des « maisons de sécurité » où ils s’exposent à l’extorsion la torture ou au mieux à être arnaqués. Si le voyage se concrétise il reste encore affronter les dangers de la traversée où le désert s’érige comme une construction politique supplémentaire causant la mort et disparition des milliers des candidats au marché de travail noir états-unien.

Dans cette écologie de dispositifs souverains (les États, le crime organisé), économiques (le commerce international de marchandises, économie extractiviste et la narco-économie) et humanitaires (ONGs et Églises) les migrants illegalisés circulent comme êtres « tuables » ou susceptibles de disparaitre et certains circulent comme « restes » sans noms et « disparus sans corps » dans les listes transnationales des personnes recherchées.


Mot-clé : "tuabilité", disparition, dispositifs de frontière, Mexique-Etats-Unis, et mort

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Dire la frontière en contexte d’insécurités. A partir du cas de Diffa (Est du Niger)

Dire la frontière en contexte d’insécurités. A partir du cas de Diffa (Est du Niger)

Auteur(s) : HAMANI Oumarou ;

Depuis près d’une décennie, le Niger fait face à une insécurité transfrontalière multiforme: attaques djihadistes par la secte Boko Haram dans ses frontières Sud et Est, attaques du MUJAO à sa frontière avec le Mali, trafics et migrations illégales vers le Nord…Cette insécurité transformes les rapports, la signification et les pratiques de frontière, en même temps qu’elle modifie également les relations à l’Autre vivant au niveau des frontières.

Le corpus de la présente communication provient d’une étude réalisée dans la région orientale du Niger, théâtre depuis 2015  d’attaques du groupe terroriste Boko Haram. A Diffa, la frontière fait sens dans son acception plurielle (Anderson, 2001; Bennafla, 2002) parce qu’elle renvoie tout à la fois à un processus social, économique, politique, anthropologique. Diffa se caractérise par deux types de frontières, les unes tournées vers l’extérieur et les autres sont de type intérieur. Le territoire est occupé par divers groupes ethnolinguistiques séparés par des frontières sociales elles-mêmes prolongées dans des systèmes de production différenciés.

La présente communication tente de saisir comment à Diffa l’on désigne et pense la frontière en contexte d’insécurité. La frontière, avant tout, est un discours construit par les circonstances, reproduit et diffusé pour ensuite être reapproprié par les communautés. Aussi, lorsque les populations de Diffa évoquent la frontière, de quoi parlent-elles concrètement et quels référents mettent-elles en avant? L’analyse du sens qu’en donnent les populations locales aide à une meilleure compréhension de l’insécurité telle qu’évoquée par les populations autochtones et les communautés ayant fui l’insécurité au Nigeria. On peut aussi aisément saisir les pratiques de frontières à l’oeuvre en situation d’insécurité. L’analyse est ici organisée autour des “en gudun hijira” ( ceux qui ont fui la guerre). Dans leur fuite, ils ont des rapports bien particuliers à la frontière physique qu’ils ont été amenés à franchir pour avoir la vie sauve, mais aussi en occupant des lieux nouveaux (sites d’installation ou camps de réfugiés), ils y inscrivent des relations de type nouveau entre eux (puisqu’ils sont originaires de localités différentes), mais aussi avec les communautés autochtones structurées dans des frontières sociales de type ethnique, religieux, économique, politique, etc.

L’analyse développée ici s’appuie sur un corpus  d’entretiens et d’observation réalisées en 2015 par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs du LASDEL. Menée dans quatre localités de la région de Diffa, la recherche a révélé un discours très ambivalent sur la frontière en temps d’insécurité; elle est tantôt un espace de sécurité et un lieu d’insécurité.


Mot-clé : Diffa, Frontière, Insécurité, et Niger

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