Association pour l’anthropologie du changement social et du développement
Association for the anthropology of social change and development
Le HCR et la crise afghane. Une bureaucratie internationale à l’épreuve

Le HCR et la crise afghane. Une bureaucratie internationale à l’épreuve

SCALETTARIS G., 2023, Le HCR et la crise afghane. Une bureaucratie internationale à l’épreuve, France, Éditions Karthala,
408 p.

Cet ouvrage propose une anthropologie politique du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR). Agence onusienne ayant pour mission de veiller sur la prise en charge des réfugiés, le HCR est présent dans plus de 130 pays et s’occupe de quelque 80 millions de personnes. En emmenant le lecteur à travers les bureaux chargés du dossier afghan, au cours des années 2000, à Genève comme à Kaboul, l’auteure donne à voir le fonctionnement interne de cette organisation internationale : comment se déploie-t-elle à travers le monde ? Qui sont ses agents ? Comment le HCR exerce-t-il son pouvoir ?
Ce livre montre également que la vision du monde nationale et étatocentrée de l’organisation l’amène en pratique à participer à des mécanismes de sédentarisation et d’illégalisation des personnes déplacées. Il met ainsi en lumière une impasse majeure de l’action contemporaine du HCR : l’agence s’efforce d’établir un type d’ordre – sédentaire et centré sur l’État-nation – qui est en fait à l’origine du « problème » qu’elle a pour mission de résoudre.
En étudiant la prise en charge d’une population de réfugiés emblématique à partir d’un positionnement original, l’auteure, à la fois fonctionnaire de l’agence et anthropologue, mène un travail fin et ambitieux, qui articule plusieurs niveaux d’analyse : la micropolitique des pratiques, l’institution HCR et les rapports de pouvoir multi-scalaires qui façonnent son environnement.

Giulia Scalettaris est maîtresse de conférences en science politique à l’Université de Lille. Elle travaille sur les politiques internationales d’asile, sur la base d’enquêtes ethnographiques au sein des institutions et aux interfaces institutionnelles. Parallèlement à son expérience universitaire, elle a collaboré avec plusieurs organisations internationales et ONG.

Elites, élections et transformation du politique au Mali. “Ceux qui cherchent le pouvoir sont parmi nous”

Elites, élections et transformation du politique au Mali. “Ceux qui cherchent le pouvoir sont parmi nous”

Deridder M., 2021, Elites, élections et transformation du politique au Mali. “Ceux qui cherchent le pouvoir sont parmi nous”, Paris/Montpellier, Karthala/APAD, 396 p.

Comment penser les enjeux démocratiques, les rapports de pouvoir et les incidences des dynamiques globalisées dans un contexte rural ouest-africain contemporain ? Comment cerner cette tension entre « modernité » et « tradition » face aux enjeux vitaux des ressources naturelles et de leurs accès ? Comment saisir le « vivre-ensemble » de groupes ethnico-professionnels foncièrement différents mais amenés à se partager un même espace, tout en étant confrontés à la singularité environnementale du Delta intérieur du fleuve Niger au Mali ? Comment comprendre cette fascinante capacité l’adaptation, non sans violence, des populations et de leurs élites face aux bouleversements rapides et aux basculements politiques impulsés depuis le sommet de l’État ? Qui sont ces élites politiques locales ? Ancrée dans une ethnographie fine et fouillée, cette monographie explore ces questions à partir de l’étude de cas de Youwarou, une petite localité du Delta intérieur du fleuve Niger au Mali.
Début des années 1990, le Mali vit un basculement politique qui se concrétise par la décentralisation de l’État, l’instauration du multipartisme et des élections communales, largement promus par les bailleurs de fonds du Nord. En éclairant les transformations du politique à Youwarou, depuis cet ancrage local et rural, cet ouvrage s’interroge sur les enjeux démocratiques contemporains et les injonctions normatives formulées par l’État malien et les bailleurs de fonds internationaux. L’auteure explore l’articulation pragmatique entre une politique publique visant la démocratisation et une hégémonie de fait des élites politiques locales. Cet ouvrage explore la façon dont les autorités traditionnelles se reconfigurent au fil du temps long et comment ces élites se maintiennent au pouvoir captent diverses rentes des ressources naturelles et du développement. Cet ouvrage s’intéresse aussi aux dynamiques de contrepouvoir et à l’imaginaire politique local construit par les multiples récits de fondation de la localité. Cet ouvrage revisite ainsi l’idée du « local » et du « global », en apportant une contribution à une anthropologie politique contemporaine des modes de gouvernance locale en Afrique de l’Ouest.

Marie Deridder, docteure en anthropologie, est chargée de cours et chercheuse au Laboratoire d’anthropologie prospective (LAAP) de l’UCLouvain (UCL).

Lire la note de lecture : Anaïs Ménard dans Cahiers d’études africaines.

Agir pour les autres. Gouvernementalité, développement et pratique du politique

Agir pour les autres. Gouvernementalité, développement et pratique du politique

Traduction par Fadhila et Pierre-Yves le Meur de The will to improve, Governmentality, Development, and the Practice of Politics  publié en 2007 aux Duke University Press, cet ouvrage propose un remarquable récit du développement en action, centré sur une série de tentatives visant à améliorer les paysages et les modes de vie. L’auteur y expose, en détail tant les pratiques qui permettent aux experts de diagnostiquer les problèmes et de concevoir des interventions, que la capacité d’action des personnes dont les conduites sont visées par les réformes. Combinant très efficacement théorie, ethnographie et histoire, il est mis en lumière le travail d’agents de développement ayant opéré à différentes époques : fonctionnaires et missionnaires coloniaux ; spécialistes de l’agriculture, de l’hygiène et du crédit ; activistes politiques ayant créé leurs propres modèles devant guider les villageois vers des vies meilleures. L’auteur décrit et analyse des opérations visant, sur financements extérieurs, à intégrer des objectifs de conservation de la nature et de développement via la participation des communautés, ainsi qu’un programme gigantesque, d’un milliard de dollars US, conçu par la Banque mondiale pour réactiver ou réinventer la communauté villageoise, inculquer de nouveaux comportements basés sur la compétition et le choix, et reconstruire la société « par le bas ».

Démontrant que la volonté d’« agir pour les autres » a une longue et complexe histoire, souvent troublée, Tania Murray Li identifie des récurrences fortes allant de la période coloniale jusqu’à l’époque actuelle. Attentive aux spécificités du développement dans les hautes terres de Sulawesi, en Indonésie, elle montre comment une série d’interventions se sont succédées et aussi imbriquées les unes dans les autres, et elle piste leurs effets contrastés, entre bien-être et famine, suivisme et mobilisation politique, solidarités nouvelles, résistance identitaire et action violente.

La version française de l’ouvrage comprend une préface, où Pierre-Yves Le Meur (IRD/UMR GRED) met en perspective l’ouvrage pour un public francophone, et d’une postface originale où Tania Li revient sur les débats suscités par l’ouvrage et son actualité dix ans après sa première publication.

Tania Murray Li est professeur d’anthropologie à l’université de Toronto. Membre de l’Académie royale du Canada, elle a écrit plusieurs ouvrages primés, dont Land’s end : Capitalist relations on an indigenous frontier (Duke University Press, 2014) et de nombreux articles sur la terre, le travail, les classes sociales, le capitalisme, le développement, les ressources et l’autochtonie, avec un accent particulier sur l’Indonésie.

Li T. M., 2020, Agir pour les autres. Gouvernementalité, développement et pratique du politique, Coll. Hommes et sociétés, Paris/Montpellier, Karthala/APAD.

Lire le premier chapitre.

Au coeur des mondes de l’aide internationale. Regards et postures ethnographiques

Au coeur des mondes de l’aide internationale. Regards et postures ethnographiques

Fresia M. et Lavigne Delville P. ed., 2018, Au coeur des mondes de l’aide internationale. Regards et postures ethnographiques, Paris/Marseille/Montpellier, Karthala/IRD/APAD.

Comment pensent et agissent, au quotidien, les professionnels de l’aide internationale et les agents des organisations nationales qui vivent de l’aide ? Comment se jouent les rapports entre organisations dans les chaînes complexes d’acteurs qui relient les conseils d’administrations des grandes institutions internationales aux populations dites « bénéficiaires » ? Quels modes de gouvernance globalisée l’aide internationale dessine-t-elle dans les pays où ses ressources, ses normes et ses institutions sont fortement présentes ?

A la croisée de la socio-anthropologie du développement et de l’anthropologie des organisations internationales, cet ouvrage permet de mieux comprendre les logiques politiques et institutionnelles des institutions de l’aide, la fabrique de leurs politiques et les modalités de leurs actions. Issu d’enquêtes de terrain approfondies menées au cœur des mondes de l’aide, il dévoile l’hétérogénéité des organisations qui la définissent et la mettent en œuvre, leurs frontières floues et leurs interdépendances, leurs tensions et contradictions mais aussi leur fragilité et leur recherche permanente de légitimité.

En même temps qu’elles restituent des résultats de recherche, les contributions réunies ouvrent la boîte noire de la pratique ethnographique dans les institutions. Dans une logique réflexive, chaque auteur décrit le déroulement de sa recherche, explicite son positionnement de chercheur et son rapport politique et moral au système de l’aide, analyse la façon dont il a géré les relations d’enquête. Entre participation observante et observation externe, l’ouvrage met en lumière une large gamme de positionnements et en discute les atouts et les limites. Il constitue ainsi une contribution importante, tant à l’ethnographie de l’aide et ses institutions, qu’à la réflexion épistémologique et méthodologique sur l’anthropologie des organisations.

Lire les notes de lecture : Olivier Nay dans la Vie des Idées, Sylvain Besençon dans Tsantsa, Alexis Roy dans Politique africaine, Denis Pesche dans la Revue Internationale des études de développement, Elieth Eyibiyi dans le Journal des anthropologues et Romain Lecler dans Critique internationale.

Aide internationale et sociétés civiles au Niger

Aide internationale et sociétés civiles au Niger

Lavigne Delville P., 2015, Aide internationale et sociétés civiles au Niger, Paris/Montpellier/Marseille, Karthala/APAD/IRD.

Fruit d’une longue enquête, cet ouvrage propose une lecture originale des rapports entre aide internationale et sociétés civiles au Niger. Les premiers chapitres éclairent les dynamiques complexes et ambivalentes des organisations associatives au Niger, dans leur histoire, leurs rapports à l’État et à l’aide. L’auteur décrit les difficultés d’institutionnalisation des petites organisations, prises dans une double précarité des ressources financières et des ressources humaines, et soumises à des financements par mise en concurrence. A partir des débats sur un projet de « charte de la société civile », il montre les tensions qui traversent le secteur associatif, met en perspective les critiques récurrentes sur son opportunisme et sa politisation, explicite les enjeux de sa régulation.

Consacrés aux interventions en faveur des organisations de la société civile, les chapitres suivants interrogent la façon dont, suite aux Accords de Cotonou signés en 2000, la Délégation de l’Union européenne à Niamey a défini sa politique envers les « acteurs non étatiques » et comment elle l’a traduite sous forme de projet. Reconstituant l’histoire de la formulation de son « Projet d’appui à la société civile », entre 2002 et 2008, l’auteur décrit l’invention tâtonnante d’une politique, entre ambiguïtés de conceptions politiques et poids des dispositifs bureaucratiques.

Cet ouvrage représente un apport important, tant au débat sur la société civile en Afrique qu’à celui sur la façon dont les institutions d’aide définissent leurs politiques et leurs projets de développement. Il intéressera aussi bien les chercheurs en sciences sociales que les responsables associatifs et les praticiens du développement.

http://www.karthala.com/hommes-et-societes-sciences-economiques-et-politiques/3007-aide-internationale-et-societes-civiles-au-niger-9782811115036.html

Lire les notes de lecture de François Doligez dans la Revue internationale de l’économie sociale (RECMA revue Aide inter RECMA), de Sadio Soukouna dans la Revue internationale des études du développement (RIED, ex Revue Tiers Monde), de Véronique Dimier dans la Revue française de science politique (RFSP dimier review aide internationale) et de Tatiana Smirnova dans Afrique contemporaine (Sminorva sur aide int et societes civiles au NIger AFCO_265_0168-1).